LA GUERRE D'INDOCHINE - PREMIERE PARTIE


LA CONQUETE (1858-1897)

La conquête française de l’Indochine fut entreprise par Napoléon III sous le Second Empire, et systématisée par Jules FERRY sous la Troisième République.

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           L'Empereur Napoléon III (photo DR)                                    Jules FERRY (Photo DR)


Dès le XVIe siècle des missionnaires, en particulier des jésuites se sont installés dans le pays. L’un d’eux est resté célèbre jusqu’à ce jour. Il s’agit de Monseigneur de Rhodes qui traduisit les pictogrammes vietnamiens en latin et permit ainsi l’utilisation de notre alphabet. Une rue d’Hanoï porte toujours son nom.
La situation au milieu du XIXe siècle était très confuse dans la région. Le Cambodge - ou l’Empire khmer avait disparu au XVe siècle - et le Laos sont en voie de disparition au profit du royaume de Siam et de l’empire d’Annam. Ce dernier était vassal de la Chine et devait payer un tribut qui fut ponctuellement payé jusqu’à l’arrivée des Français.
À la même époque l’Europe, en particulier l’Angleterre et dans une moindre mesure la France est en pleine industrialisation. Elle connaît une forte croissance démographique et un dynamisme économique élevé. Elle recherche des débouchés pour ses produits et des matières premières. L’Empereur Napoléon III soutient l’expansion économique vers la Chine et le Sud est asiatique il veut en outre protéger les chrétiens
De premières tentatives d'occupation eurent lieu dans le delta du Mekong. La France depuis 1860 s'était lancée dans une politique active de Colonisation en Extrême-Orient.
Dès l'année 1862, un premier "Traité de Saigon" signé avec l'empereur d'Annam reconnaissait la souveraineté des Français sur les provinces du Sud, qui formèrent la Cochinchine.


LA GUERRE FRANCO CHINOISE (1881-1885)


La bataille de Bac Ninh (photo DR)


La guerre franco-chinoise opposa la France de la Troisième République à la Chine de la dynastie Qing entre septembre 1881 et juin 1885.
Elle éclata parce que les Français tentaient de prendre le contrôle du fleuve Rouge qui reliait Hanoï à la riche province du Yunnan en Chine.

Cet épisode militaire fait partie de la lente prise de contrôle de la Chine menée par les puissances européennes pendant le deuxième moitié du XIXe siècle.
C'est un enjeu majeur de la politique coloniale française qui souhaitait acquérir des positions fortes dans le sud de la Chine.

Surtout, la victoire française avec la reconnaissance de son protectorat sur l'Annam et le Tonkin, s'ajoutant à la Cochinchine déjà occupée dix ans plus tôt et au Cambodge, conduisit à la création de l'Indochine française.

LA PRISE DU TONKIN

Le capitaine de vaisseau Henri Rivière, commandant trois canonnières et sept cents hommes, prit la citadelle d’Hanoï, capitale du Tonkin, le 25 avril 1882, comme l'avait fait Francis Garnier en 1873. Le 27 mars 1883, il prit Nam ??nh, mais la faiblesse des effectifs dont il disposait entraîna la répétition des événements de 1873.

En mai 1883, les Pavillons Noirs encerclèrent Hanoï. Rivière fit une sortie le 16 puis une autre le 19 au cours de laquelle il fut tué. La mort de Rivière déchaîna les bellicistes de la Chambre des députés à Paris. Jules Ferry confia alors les deux divisions navales d'Extrême-Orient au contre-amiral Courbet qui arriva le 18 août 1883 à l'improviste devant Thuân-an, le port de Hué qu'il bombarda.

Le 25 août 1883, par le traité de Hué, l'empereur d’Annam cédait le Tonkin à la France sous la forme d'un protectorat. La Chine rejeta le traité, et envahit la province du Tonkin. Bien qu'aucun des deux pays n'eût formellement déclaré la guerre, les opérations militaires commencèrent à l'automne 1883.
Les forces fluviales françaises s'emparèrent des citadelles de B?c Ninh, S?n Tây sur le fleuve Rouge. Le 2e régiment étranger fut assiégé pendant quatre mois (23 novembre 1884 - 28 février 1885) par les Pavillons noirs dans la citadelle de Tuyên Quang.

LE DEVELOPPEMENT EN COLONIE FRANCAISE

Il faut attendre l’arrivée du Gouverneur général Paul Bert en 1897 pour voir mis en place un vrai plan de développement du pays et sa modernisation. Des banques, des hôpitaux, des écoles, des routes des ponts des voies ferrées sont réalisés. Sous l’impulsion de la France le territoire indochinois se transformait significativement, mettant en œuvre un véritable progrès de l’agriculture. Par la construction de réseaux hydrauliques et de digues, ou par le biais de grandes plantations d’hévéas (arbre à caoutchouc), de thé ou de café. Le sous-sol fut systématiquement exploité (houille, étain, antimoine), les industries textiles et alimentaires développées.
Malheureusement, le poids de la fiscalité, la corruption omniprésente, la lenteur de l’alphabétisation favorisaient les soubresauts nationalistes. D’autant que l’Indochine n’était pas une colonie de peuplement. La société coloniale se composait essentiellement, de fonctionnaires civils et militaires et de planteurs d’hévéas, d’entrepreneurs au nombre de 40 000 approximativement.

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La carte de l'Indochine telle qu'elle était encore en 1954.


LA PERIODE INTERMEDIAIRE (1900-1939)

Avec la France s’éloignent les disettes, l’insécurité, les épidémies (variole et choléra), et l’âpreté de la féodalité mandarinale. Mais dans le même temps apparaît une nouvelle société : une bourgeoisie enrichie par le commerce et l’industrie, une classe moyenne formée de fonctionnaires et d’employés liés aux structures coloniales et un prolétariat vivant du travail dans les mines ou dans les plantations d’hévéas qui s’ajoute à la masse paysanne fidèle aux traditions. Malgré ces disparités sociales, grâce au progrès sanitaire, a la paix, à un niveau de vie en augmentation, la population passe de 18 à 23 millions d’habitants entre 1921 et 1936.
Mais l’entre-deux-guerres vit le développement des idées nationalistes et surtout anticolonialistes avec l’appui du parti communiste et de la SFIO. La crise économique de 1929 aggrava la situation et dévalua la piastre. En 1930, le Parti Communiste Indochinois (PCI) organise la conquête et le contrôle des populations du Tonkin, de l’Annam et de la Cochinchine. Des émeutes éclatent. Elles sont réprimées, mais ils provoquèrent en France l’indignation des partis de gauche. Le gouvernement français chercha à s’appuyer sur l’élite annamite modérée. La conquête s’était faite contre les mandarins. La colonisation avait provoqué une mutation de la classe dirigeante et les nouveaux mandarins réclamaient leur place dans le système colonial. Pour n’avoir pas su les intégrer, la politique française rejetait une partie d’entre eux dans l’opposition et la révolte.

L'ANNONCE DU SECOND CONFLIT MONDIAL

En 1931 le Japon attaque la Chine sans déclaration de guerre. La Chine nationaliste reçoit de l’aide des Etats–Unis par le Tonkin. En 1939, le Japon envahit les îles Paracels et Spratley pour intimider la France.
Mais en Europe la guerre se profilait et la politique de défense de la France était tournée vers le théâtre européen. Par ailleurs les forces militaires françaises sur place étaient très faibles (40 000 hommes) et très mal équipées. Or en novembre 1939 des divisions japonaises étaient au contact direct des forces françaises à la frontière chinoise.

LA GUERRE D'INDOCHINE DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

A l’aube de la seconde guerre mondiale, la Chine de Tchang Kai Check soutenue par les Américains via l’Indochine, se trouve en conflit non dit avec le Japon de Hiro Hito qui tend à vouloir annexer cette contrée.
Comme on a pu le voir dans la BD « Tintin et le Lotus Bleu » et des films comme « les 55 jours de Pekin », la menace Japonaise n’est pas tendre et plutôt répressive dans la violence.

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Les Japonais font des incursions en territoire français sous prétexte de poursuivre des bandes de pillards. (Photo DR)

L’Indochine est donc menacée par ce géant qui n’attend qu’une excuse pour franchir la frontière de l’Indochine.

Le conflit mondial qui germe en Europe n’est pas fait pour arranger les choses.
C’est ainsi que le 22 août 1939, alors que Hitler et Staline envisage la signature d’un pacte de non-agression, le Général Catroux quitte Paris à destination de Hanoi, la capitale de l’Indochine à cette époque.

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Le Général CATROUX (Photo DR)

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L'Amiral DECOUX (Photo DR)


Il a déjà servit là-bas de 1903 à 1906 au cabinet militaire du gouverneur général Paul Beau.
Il part donc pour une contrée française qu’il connaît déjà. Sa mission : gouverner l’Indochine afin de soutenir l’effort de guerre de la France devant le conflit qui s’annonce.
Il sera intelligent et pensera plutôt à défendre ce territoire contre la menace toute proche des Japonais et lancera surtout le développement agro-économique au contraire de construire une usine d’aviation par exemple qui ne sortirait d’avions de combat que trop tard pour le conflit imminent.
Il compte également sur le patriotisme des 36000 européens installés sur le territoire Indochinois.
Parallèlement, il met en place la surveillance des 30000 nationaliste communisants (déjà !) qui malgré le pacte de Staline pourrait profiter de la guerre en Europe pour fomenter des troubles anti-français dans les deux capitales indochinoises de Saigon et Hanoi.
En septembre 1940, suite à l'invasion par Hitler de la Pologne, la France déclare la Guerre à l'Allemagne. Avec ses alliés elle combattra héroiquement contre une armée conséquente et déterminée à envahir l'Europe.

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Bataille de France, les soldats Français se sont dans l'ensemble bien battus et ont résisté vaillamment aux troupes Allemandes contrairement à l'image qui est donnée sur la "débâcle" de l'Armée Française. (Photo DR)

Le 17 juin s’en est fait de la Bataille de France. Le Maréchal Pétain dans sa vision de protéger la France annonce l’armistice au grand damne des Français qui se sont battus en France et de ceux des colonies, comme l’Indochine, qui étaient prêts à en découdre.

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Le Maréchal Pétain avec Adolf Hitler. (Photo DR)

Le lendemain, un certain général de Brigade parti en mission de liaison avec l’Angleterre lance un appel à la résistance en France et dans tout l’empire Français : le Général De Gaulle.

100 000 soldats Français seront tombés au combat et près de 2 millions de leurs camarades vont passer le reste de la guerre dans les camps de prisonniers en Allemagne.

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Les soldats Français lâchés par leur commandement qui capitule partent pour un long séjour en captivité. (Photo DR)

Après une tentative vaine de rallier l’état-major Français d’Afrique du Nord, Winston Churchill déclare le 28 juin 1940 le Général De Gaulle le seul chef de tous les Français libres.

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Le Général DE GAULLE lance l'appel pour continuer le combat contre l'envahisseur Allemand et ses alliés. (Photo DR)

Le 28 juin 1940 Catroux est rappelé à Paris par le Maréchal Pétain qui voit sans doute en lui un risque pour l’armistice toute neuve… Mais celui-ci bien que remplacé officiellement par l’Amiral Decoux, restera en Indochine et continuera de co-gouverner avec l’Amiral.
Le 4 juillet 1940, devant le risque que la flotte française tombe aux mains de l’ennemi, la flotte anglaise coule une partie à Mers El Kébir entrainant la mort de 1300 marins français.

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Devant Mers el Kebbir la Flotte Française est lachement attaquée par l'Amirauté Britannique avant même que l'Etat major Français ne puisse choisir "son camp" (Photo DR)


Devant les ultimatums de plus en plus pressants du Japon sur l’Indochine pour ne plus être un territoire de transfert de fournitures à l’armée chinoise, et la pression du gouvernement de Vichy, Catroux laisse les rennes définitivement à l’Amiral DECOUX craignant de servir de motif aux velléités d’invasions japonaises.
Il s’envole pour l’Angleterre où il rejoint le le Gral De Gaulle le 15 septembre 1940 faisant croire qu’il retourne en France.
Le 4 septembre 1940 après un accord du Maréchal Pétain avec Tokyo, les troupes nippones sont autorisées à s’installer sur les aérodromes de Gia Lam près de Hanoi, de Lao Kay vers la frontière chinoise et de Phu Lang Thong sur la route de Lang Son.
Ils ont également obtenu que le port d’Haiphong puisse leur servir de base de débarquement.


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Les Forces Japonaises envahissent l'Indochine comme ici à Haiphong.(Photo DR)




6000 soldats japonais ont donc prit position sur le territoire Français d’Indochine.
Toutefois sentant une menace certaine notamment de l’armée Japonaise de Canton, l’Amiral Decoux décide que les troupes françaises repousseront ceux-ci si ils se décident à une action hostile.
C’est ainsi que le Général Namura faisant fit des accords franco-japonais fait déferler ses bataillons dans la nuit du 22 au 23 septembre 1940 sur le Tonkin.
Il rencontre la résistance des troupes Françaises des 3e RTT, des légionnaires du 2e bataillon du 5e REI et des sections du 9e RIC.
L’aviation française réagit également en partant de la base de Lang Son. Les pilotes replient leurs Potez 25 de justesse sur une autre base avant que l’aérodrome soit complètement rasé par les bombardiers japonais. Des combats terrestres et aériens s’engagent.
Toutefois malgré la résistance héroique des troupes françaises, comme la garnison de Na Cham, le matériel en petit nombre et très souvent dépassé comme les chars FT17 Renault et les canons de 75 datant de 1897, les postes tombent les uns après les autres et les troupes françaises se replient
Les blessés de NA CHAM seront lâchement assassinés par les Japonais le 25 septembre 1940.
Le 26 septembre les troupes nippones débarquent en force de Do Son en direction de Haiphong.
Le Maréchal Pétain adresse des réclamations à l’ambassadeur du japon. On lui assure que c’est une initiative personnelle du commandant de l’armée de Canton et l’empereur a donné l’ordre de cesser le feu.
Le lendemain, le Japon signe l’accord tripartite avec l’Allemagne et l’Italie de Mussolini.
Les combats du Tonkin auront coûté 800 morts et 2500 prisonniers aux Français.
Les Japonais occupent désormais le Tonkin avec près de 40000 soldats.
Les prisonniers sont libérés le 5 octobre 1940. L’Empereur du Japon décide d’occuper le Cambodge, le Laos, la Cochinchine et l’Anam pour être en situation de force face aux troupes anglaises qui se massent en Birmanie.
Le Roi de Thailande, l’ancien Siam, profite de la situation pour faire un accord secret avec le japon qui lui fournit armement et matériel.
Il tente des incursions au Tonkin pour forcer la France à lui redonner deux territoires un au Cambodge et l’autre au Laos.
L’amiral Decoux et le Général Martin décident de riposter avec violence pour mettre un terme aux envies de Rama VIII.
A partir d’octobre 1940, des escarmouches opposent les troupes françaises amassées aux frontières de la Thailande et les troupes du roi RAMA VIII.
Le 16 janvier 1941, la guerre éclate réellement avec l’attaque des troupes françaises au départ de Sisophon.
Les Thailandais sont toutefois plus coriaces que prévus et malgré la résistance des troupes Légionnaires les troupes tonkinoises débandent rapidement.

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Le Fer de lance de la "Royale" en Indochine le LAMOTTE PIQUET. (Photo DR)

L’Amiral Decoux envoie à la rescousse la marine Indochine attaquer la vielle flotte Siamoise.
Les hydravions partent à l’assaut ainsi que les destroyers.
La marine Thailandaise est détruire excepté un garde côte qui s’enfuit très mal en point.


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Les forces navales Françaises coulent la flotte Thailandaise à Kochang (Photo DR)

Les japonais voient d’un mauvais oeil cette victoire contre leur allié Thailandais et insistent pour arbitrer le conflit.
Au final la Thailande récupère les terres demandées contre 6 millions de piastres en compensation.
L’Amiral Decoux ronge son frein devant ce traité imposé une fois encore devant la menace d’invasion japonaise.
Le 29 juillet 1941 le gouvernement de Vichy fut contraint de signer un nouveau traité qui accordait au Japon le droit d’utiliser nos bases navales et de débarquer 50 000 hommes. Mais tout en ayant des rapports cordiaux avec l’administration française les Japonais encourageaient les mouvements nationalistes et les campagnes antifrançaises. De son côté, l’Amiral Decoux, fidèle au gouvernement de Vichy mis sur pied une politique basée sur la suppression des assemblées élues, sur le recours croissant au personnel indigène et l'application du programme de la « Révolution nationale ». Il s’efforçait de temporiser en attendant des jours meilleurs.
En septembre 1944, le Général Mordant devint le chef de la résistance française. Compte tenu du contexte son action fut essentiellement tournée vers le renseignement. La situation était particulièrement confuse. Le 9 mai 1945 les Japonais attaquèrent, sans préavis les garnisons françaises et commirent des atrocités sur les civils et les militaires. Ils poussèrent l’empereur Bao Dai à déclarer l’Indépendance. Mais en août 1945 la capitulation japonaise permit à Hô Chi Minh et aux communistes de prendre le contrôle du pays. Bao Dai démissionna.

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Les Japonais se rendent au Corps Expéditionnaire du Général LECLERC. (Photo DR)

La conférence de Potsdam, à laquelle la France n’avait pas été conviée, avait divisé l’Indochine au niveau du 16e parallèle. Les Chinois au Nord pillaient le pays, les Anglais au sud soutenaient les Français. Les Américains regardaient sans intervenir La confusion était à son comble.

Des incidents éclatèrent dans le sud. Jean Sainteny et le Général Leclerc entamèrent des discussions avec Hô Chi Minh qui semblait ouvert à un accord. Mais les conférences de Dalat et surtout de Fontainebleau furent des échecs cuisants en raison de l’opposition du gouvernement à toute indépendance et unité du Vietnam. Et à l’action des extrémistes des deux bords. Le 19 décembre 1946, après une série d’incidents, le Vietminh lança une attaque sur le Tonkin. La guerre venait de commencer.

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