vendredi 2 octobre 2015

LES VITRAUX DU SOUVENIR


Installées dans les églises pour honorer les morts de la paroisse, les verrières apparaissent beaucoup plus rares dans certaines régions.
Cette forme toute particulière d’art commémoratif tient sa spécificité de son caractère religieux, et de l’incursion du culte du souvenir dans l’art sacré du vitrail.
Ces photographies prises dans la Manche et le Calvados montrent  les caractéristiques majeures, l'aspect original et artistique de ces verrières.
(Crédits photographies : Pascal Corbierre, Manuel de Rugy, François Decaëns et Conservation des Antiquités et Objets d'Art de la Manche).




Le Teilleul (50), église Saint-Patrice, baie 23, exécutée à Paris par Mauméjean après la Deuxième Guerre mondiale. Là encore, le caractère commémoratif de la verrière se résume au phylactère que déroule l’ange, et sur lequel sont inscrits les noms des soldats du Teilleul morts durant la Grande Guerre. Il faut noter que le nom du maître verrier Mauméjean figurant au pied de l’ange est en fait la signature en nom collectif des ateliers du même nom. Ils constituèrent au 20e siècle un véritable empire industriel de vitraux d’art et de mosaïques (les ateliers employèrent jusqu’à 300 personnes), et furent plusieurs fois récompensés lors des expositions internationales.


Le Teilleul (50), église Saint-Patrice, baie 24, exécutée à Paris par Mauméjean, après la Deuxième Guerre mondiale. Ici, le phylactère tenu par l’ange complète la liste de la baie 23. Mais en dessous s’ajoute une seconde liste de noms, ceux des victimes de 39-45. On comprend que le village compte beaucoup moins de morts lors de la Deuxième Guerre mondiale, ce qui s’explique par le fait qu’à partir de juin 1940, l’on ne se bat plus sur le sol français, la région est occupée par les Allemands.


Saint-Jean-des-Champs (50), église paroissiale Saint-Ursin, baie 6, probablement réalisée par George Merklen, 1922. Cette verrière commémorative offre la particularité d’être uniquement constituée d’une grisaille décorative, et d’un double portrait photographique inscrit dans un médaillon central, sans aucune scène figurée. Dédiée à la mémoire de 2 soldats en particulier, cette verrière a probablement été offerte par la famille.


Saint-Jean-des-Champs (50), église paroissiale Saint-Ursin, détail de la baie 6, probablement réalisée par George Merklen, 1922. Dans le médaillon décoré de feuilles de laurier, les portraits des deux poilus en uniforme témoignent de la jeunesse des soldats envoyés au front. Les visages apparaissent sereins, il s’agit de transmettre aux générations suivantes la physionomie des soldats morts au combat. L’inscription en dessous rappelle leurs noms, Louis Hubert du 79e régiment d’infanterie territoriale et Paul Maillard, sergent au 36e régiment d’infanterie.



Montsurvent (50), église Saint-Martin, baie 10 réalisée par Georges Merklen, 1923. Ici la scène représentée est strictement religieuse : il s’agit de l’apparition du Sacré-Cœur à sainte Marguerite Marie Alacoque. La seule référence à la Grande Guerre consiste en un portrait de poilu peint dans un médaillon au bas de la verrière. L’inscription en dessous du médaillon nous renseigne sur les donateurs, qui ont offert cette verrière en souvenir de leur fils mort au combat.



Saint-Sauveur-Lendelin (50), église Saint-Laurent, baie 115. Verrière commémorative particulièrement originale, elle n’est composée d’aucune iconographie religieuse, à l’exception d’une croix dans la partie supérieure, juste sous l’arcade architecturale. Le parti-pris est franchement patriotique, porté par les nombreux symboles –casques, sabres, fusils, drapeaux, laurier, olivier- et l’inscription « Pro Patria ». Cette verrière s’apparente ainsi davantage au monument commémoratif laïc, dépassant le cadre chrétien de l’église.



Saint-Denis-le-Gast (50), église Saint-Denis, baie 8 réalisée par Henri Mazuet. Inscription : « à nos chers soldats immortelle reconnaissance ». Ici le double caractère religieux et patriotique s’affirme dans l’organisation en deux registres : au registre supérieur une Vierge à l’Enfant (figure récurrente dans les vitraux du souvenir) aux couleurs chaudes ; au registre inférieur un groupe de poilus au milieu de canons et de fusils, dans des tonalités beaucoup plus froides. Le peintre-verrier Henri Mazuet met en valeur la solidarité qui unissait les soldats alliés.



Deauville (14), Saint-Augustin, baie 5. Verrière également franchement patriotique, elle rend hommage aux soldats de retour de la guerre de 14-18. Autour de deux poilus avançant tête nue dans la nef d’une église, les enfants des combattants présentent leurs armes et les acclament en leur lançant des fleurs. La scène, d’une parfaite symétrie, oppose les couleurs froides des uniformes aux couleurs chaudes des fleurs et du décor, symbolisant la paix retrouvée.




Sommervieu (14), Eglise Saint-Pierre et Sainte-Geneviève, baie 16, 1er quart du 20e siècle. Inscription « à ses héroïques soldats Sommervieu fidèle ». Cette verrière présente l’iconographie la plus fréquente dans le vitrail commémoratif : un poilu expirant sur le champ de bataille devant un Christ en croix. Le paysage désolé, le ciel tourmenté, les couleurs froides confèrent à la scène une tonalité tragique. Mais si la représentation se veut réaliste, avec un uniforme peint dans les moindres détails, il faut noter le vêtement immaculé et l’absence de traces de blessures.



Saussey (50), église Saint-Martin, baie 1, détail du registre inférieur, œuvre attribuée à l’atelier Mazuet de Bayeux. Dans ce vitrail représentant une scène religieuse, seule l’inscription dans le registre inférieur fait comprendre qu’il s’agit d’une verrière commémorative. : « A nos glorieux morts de la guerre 1914-1918/ Prions pour eux- suivons leurs exemples». Entre ces deux phrases sont listés, sur deux colonnes et par ordre alphabétique, les noms des 35 poilus du village morts au combat. On remarque que certaines familles comptent plusieurs victimes.



La Feuillie (50), église Saint-Nicolas, baie 6, par Henri Mazuet, 1er quart du 20e siècle. Composée de deux lancettes surmontées d’un oculus. Cette verrière présente un double intérêt, en associant une iconographie commémorative et un portrait. On y retrouve les motifs traditionnels du vitrail commémoratif : le champ de bataille, le village et son église détruits et pris par les flammes ; la tranchée, le canon, la couronne de laurier. Il faut noter la représentation, parmi les poilus, d’un soldat colonial à droite du groupe. Dans le registre inférieur, deux médaillons accueillent l’un le portrait d’un poilu, l’autre l’inscription le présentant : figurent son nom ainsi que la date et le lieu de sa mort. Cette verrière a très probablement été offerte à l’église par la famille du défunt.

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